- Valerie Leblanc, sexologue et psychothérapeute.
Séduction et perte de repères chez les hommes
Dernière mise à jour : 16 juil. 2023
Dans le cadre de ma pratique clinique, mais aussi dans des articles aperçus sur internet, je réalise que plusieurs hommes sont en perte de repère face à la séduction, plus particulièrement depuis que des groupes de femme et les médias ont mis en lumière leurs histoires d’abus, d’agression et d’harcèlement sexuel.
En fait, c’est le rapport homme-femme de façon globale qui est remis en question. À mon humble avis, ceci est absolument nécessaire et il était plus que temps d’ébranler des construits du patriarcat dominant qui entraîne des stéréotypes nocifs et une masculinité toxique* ayant des conséquences pour tout le monde. Le féminisme a su faire avancer la cause des droits des femmes depuis quelques décennies, mais la vague du #metoo ou #balancetonporc en France a permis de montrer au monde que malgré de belles avancées, il y avait des choses de fond à aborder, dont le rapport de domination de certains hommes sur les femmes, en particulier de l’homme blanc (cis) en situation de pouvoir, du sexisme ordinaire et des rôles sexuels intégrés. Pour certains, ces constatations sont choquantes, pour d’autres, il s’agit enfin d’une fenêtre ouverte sur une réalité trop banalisée.
Je crois que ces prises de conscience ont touché tout le monde et amènent de nouvelles réflexions. Des hommes (je dirais particulièrement les hommes cis, hétérosexuels) se sentent perdus quant à ce qui peut ou non être fait lorsqu’une personne les intéresse. J’entends des « et si elle me trouvait pervers ou déplacé? », « est-ce que je vais me retrouver avec des accusations sur le dos? », « je ne sais plus comment approcher une femme ». Il est normal de se questionner et de vouloir bien faire les choses, mais je n’ai pas l’impression que les règles de séduction devraient changer. C’est le côté « tout m’es dû » qui doit disparaître. Et il n’aurait jamais dû être là. Tout le monde est égal; peu importe le sexe ou l’identité genrale, la couleur de la peau, le pays d’origine, l’orientation sexuelle, la religion, etc. Donc, avec cette pensée en tête, traitons-nous avec un respect égal. Personne ne devrait se sentir supérieur à une autre personne. Traitons les autres comme on aimerait être traité. Et par respect pour cette personne, non pas seulement parce que cette personne, cette femme dans le cas que j’explique, pourrait être la sœur, la femme ou la mère de quelqu’un…
Pour donner quelques points de repère aux hommes qui se sentent plus timides ou inquiets depuis « metoo », je propose les points suivants :
Traiter les femmes comme des personnes égales à vous, qui veulent être approchées avec respect, bienveillance et qui peuvent dire non. Vous faire dire non ne remet pas en doute votre valeur. On ne peut pas être attiré par tout le monde. Il faut prendre un petit risque pour avoir la chance de rencontrer une personne avec qui on pourrait avoir une belle histoire. Répondre à un refus avec colère est vraiment inapproprié.
Une femme peut très bien avoir du désir sexuel et être en mesure de réciproquer vos avances. Si elle ne le fait pas, respecter ceci. La séduction se fait souvent en étapes. Par exemple : échange d’un regard, présentation, conversation, toucher l’autre doucement dans des zones non sexuelles (main, épaule, dos), embrasser, etc. Séduire, c’est cultiver l’attente. C’est amener l’autre à découvrir des parcelles de nous qu’on aime et qu’elle pourrait aimer, puis créer une connexion.
À chacune des étapes, observer la réponse de l’autre. Demandez la permission. « Est-ce que je peux t’embrasser » peut être très sexy et permet à la personne de donner son consentement à un geste intime.
Comparez la séduction à une danse. Je fais un pas, j’attends le sien, puis chacun notre tour, on fait un pas vers l’autre. Ou pas. Dans ce cas, évitez d’insister trop fortement. Un « voici mon numéro », si tu es intéressé j’aimerais beaucoup échanger avec toi et te revoir est plaisant et pourrait être flatteur si fait gentiment. Se faire écrire des messages « sur internet » à répétition, suivi de ????, c’est harcelant et démontre que l’autre ne comprend pas notre choix de ne pas entrer en communication.
Évitez des « dick pic » non sollicités. Sérieusement, ce n’est pas apprécié. Si vous commencez avec cela alors que vous ne connaissez même pas votre destinataire, ça manque de respect. Baissez-vous votre braguette sans avoir dit allo à quelqu’un dans un bar dans le but de séduire? J’imagine que non. Derrière votre écran, ce n’est pas plus logique.
Être galant, sourire à une femme, lui adresser la parole, vous présenter à elle, l’inviter à danser…OUI c’est encore permis!
Approcher une femme dans un bar, dans la rue ou sur internet n’est pas interdit et ce n’est pas du harcèlement. Plusieurs femmes apprécieront votre approche. Le mot d’ordre : respect. Les attitudes à adopter : être gentil, respecter la bulle de l’autre, communiquer sur des sujets plus larges et aller vers des sujets plus intimes si affinités. On peut commencer par aborder quelque chose qui a rapport au contexte de la soirée et terminer en parlant de soi, de ses goûts, de son dernier voyage, de sa musique préférée, etc. Si on veut inviter la personne à la maison, lui demander. Elle a l’option de dire oui ou non. La règle à respecter c’est le consentement. Si elle est fortement intoxiquée, elle ne peut pas réellement consentir. À ce moment, ça peut être partie remise. Demandez-lui si elle veut vous revoir, laissez-lui vos coordonnées.
« Selon la Cour suprême du Canada, qui a eu l’occasion de se pencher sur la question du consentement sexuel à quelques reprises, une personne doit être « consciente et lucide » pour donner son consentement. En conséquence, une personne inconsciente, qu’elle dorme ou qu’elle ait perdu conscience, ne peut pas consentir à une activité sexuelle. De même, une personne intoxiquée de façon importante par l’alcool ou par la drogue peut ne pas être en mesure de donner un consentement valide. »
Source : Protégez-vous. « Comprendre le consentement sexuel, les essentiels. En ligne. 2017
Si vous êtes en position d’autorité, par exemple au travail, sur la personne que vous draguez, sachez qu’elle pourrait se sentir forcée de répondre à vos avances. Faites attention aux perceptions que cela peut amener, mais surtout, assurez-vous que la personne est vraiment dans un sentiment de « libre choix ».
« Le harcèlement sexuel pourrait notamment se présenter sous les formes suivantes :
des contacts physiques non désirés, tels que des attouchements, des pincements, des empoignades, des frôlements
la sollicitation de faveurs sexuelles non désirées
des commentaires inappropriés d’ordre sexuel, des remarques sur le corps de la victime ou sur son apparence, des plaisanteries qui dénigrent l’identité sexuelle ou l’orientation sexuelle de la victime
des questions intimes
des regards concupiscents, notamment dirigés sur les parties sexuelles de la victime
des sifflements
l’affichage de photographies pornographiques. »
Source : site web de la CNESST. 2016.
Ce que la loi dit sur le consentement sexuel :
J’ai abordé l’angle de la séduction en contexte hétérosexuel. Par contre, je suis consciente que les mêmes règles s’appliquent à tout le monde. La séduction et le consentement sont des thèmes qui touchent chaque humain. Voici un lien intéressant sur le consentement entre hommes :
Vidéo sur le consentement:
Précision:
* Masculinité toxique: En psychologie, la « masculinité toxique » se réfère à des normes masculines culturelles traditionnelles dans les sociétés nord-américaines et européennes, qui peuvent être nocives pour les hommes, les femmes et la société dans son ensemble. Le concept de masculinité toxique n'est pas destiné à diaboliser les hommes ou les attributs masculins, mais tend plutôt à mettre en évidence les effets nocifs de la conformité à certains idéaux traditionnels des comportements masculins tels que la domination, l'autosuffisance, et la compétition. La masculinité toxique est définie par l'adhérence aux rôles de genre masculins traditionnels, ce qui inclut la pression sociale incitant les hommes à lutter pour être dominants (modèle du « mâle alpha »), et la restriction des types d'émotions qu'il est acceptable d'exprimer, pour les garçons et les hommes, à l'agressivité et à la colère principalement. Les attentes contemporaines liées à la masculinité peuvent produire des effets « toxiques » tels que de la violence (y compris les agressions sexuelles et la violence domestique), des « excès sexuels » (promiscuité), des comportements excessivement risqués et/ou socialement irresponsables, tels que l'abus de substances, et un certain dysfonctionnement dans les relations. (Wikipedia).
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